Entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle, la population Lausannoise passe d'environ 5000 habitants à plus de 9000 habitants (DHS). Cette rapide croissance de la population provoque une forte densification de la ville au sein de ses murailles (Rickli, 1978). Pour s’échapper de cet environnement urbain très dense et gagner en lumière et en espace les lausannois fortunés s’offraient des villégiatures hors de l’enceinte de la ville. Ces villégiatures, nommées “campagnes” connaissent leur période d’épanouissement entre le milieu du XVIIIe siècle et le milieu du XIXe siècle. Au XXe siècle, l’extension rapide de la ville a pour conséquence l’intégration de nombreuses campagnes au sein de nouveaux quartiers, quand celles-ci ne sont tout simplement pas détruites pour laisser place à des constructions plus en adéquation avec les besoins d’une ville en constant développement (Grandjean, 1982). Notre projet a tout d’abord comme objectif d’illustrer visuellement l’âge d’or des campagnes lausannoises ainsi que le devenir de ces villégiatures au regard du développement urbain de la ville au tournant du XIXe siècle et au XIXe siècle. Dans un deuxième temps, nous avons produit à partir de nos données un certain nombre d’analyses permettant de mieux appréhender ce processus d’urbanisation. A souligner finalement que ce projet porte majoritairement sur les maisons de maîtres construites au sein des domaines que constituaient les campagnes. Les dates de constructions et de destructions de celles-ci représentent des bons points de repères temporels. Il faut cependant garder à l’esprit que les campagnes ne se réduisent pas aux maisons de maître recensées dans le cadre de ce projet.
On remarque de manière générale que la plupart des campagnes ne sont situées qu’à quelques encablures du centre-ville. Certaines comme Beau-Séjour, Valentin ou Riant-Mont étaient au milieu du XIXe siècle presque attenantes aux limites de la ville. On remarque également que des campagnes ont été construites dans tous les secteurs entourant la ville. Une petite préférence semblant avoir été accordée aux localisations les moins éloignées de la ville et à la partie située entre le centre-ville et le lac, la proximité avec celui-ci étant considérée déjà comme un atout aux XVIIIe et XIXe siècles.
Les chiffres présentés ici sont évidemment dépendants du nombre de campagnes recensées. Par exemple, la région de Montriond n’a subi la destruction que d’une seule campagne, mais n’en compte que 4 recensées. Cependant, de manière générale, on constate logiquement que les campagnes situées dans les régions les plus éloignées du centre ville ont été épargnées par les destructions. Globalement, un peu plus du tiers des campagnes rencensées (38/91) n’existent plus actuellement.
Ici, la notion de construction est généralement liée à la construction d’une maison de maître sur le domaine d’une campagne. Il faut toutefois souligner qu’il y avait souvent un bâti de nature plus modeste antérieur à la maison de maître. C’est le cas par exemple de Montolivet, Primerose, des Bergières ou encore de la Chablière. Pour une étude antérieure des campagnes lausannoises, se référer à l'ouvrage d’Anne Radeff cité dans la bibliographie. On remarque un “pic” de construction de campagnes entre 1770 et 1820. C’est durant cette période qu’environ la moitié des campagnes étudiées (46/91) ont été construites. Les dernières campagnes construites sont l’Hôtel Beau-Rivage (1858-1861), les Mousquines (1860), le Château des Tourelles (1867), la Solitude (1871-1872) et le Petit-Denantou (1872).
On est tout de suite frappé avec ce graphique par la proportion de campagnes détruites dans les années 1930, puisqu’un peu moins du tiers des destructions ont eu lieu durant cette décennie (11/38). Il ne semble pourtant pas y avoir une explication unique à ce fait, les campagnes détruites étant situées à différents endroits de la ville. On peut cependant relever que les campagnes détruites durant cette décennie étaient souvent contiguës à une autre campagne également détruite durant cette période : Sainte-Luce et Sous-Ville Le Clos-de-Bulle et le Petit Colos-de-Bulle L’Avant-Poste et Beau-Site L’Ancienne Maison Will et l’Ancienne Maison Olive Ces campagnes ont toutes été remplacées par des immeubles d’habitation ou à vocation commerciale. La destruction d’un si petit nombre d'habitations peut sembler anecdotique par rapport à l’ampleur de certains projets de densification actuels (par exemple les Plaines-du-Loup). Il faut cependant avoir à l’esprit que les maisons de maîtres des campagnes étaient dans la plupart des cas entourées d’une importante superficie d’espace verts (parcs, jardins…). Les terrains récupérés ont donc permis une densification substantielle. Il faut toutefois noter que la présence des campagnes a également contribué à la conservation d’espaces verts en Ville. On peut citer notamment le cas de la campagne de Valency, qui est maintenant en partie un parc ouvert au public. Les anciennes Campagnes de Mon-Repos, de l’Elysée, de l’Hermitage et Désert offrent également de beaux espaces extérieurs accessibles à tous.
Ce graphique met particulièrement bien en évidence la période 1840-1890, durant laquelle presque toutes les campagnes étudiées sont présentes. On peut également constater de manière très claire au tournant du XIXe siècle le début du mouvement de déclin des campagnes. On peut mettre ce moment en relation avec l’initiative en 1891 de la Municipalité de Lausanne d’entamer une réflexion relative à un plan d’extension ayant trait à la création et à la transformation de voies de communication. Cette initiative se poursuit en 1905 avec un avant-projet de plan directeur d’extension. Dans les années qui suivent, plusieurs plans d’extensions sont adoptés afin que le développement urbain de la ville se fasse de manière raisonnée et harmonieuse.
Nous avons déjà vu que les campagnes détruites (38/91) ont majoritairement été remplacées par des immeubles d’habitation ou à vocation commerciale. 10 campagnes encore existantes sont actuellement propriété de la Ville de Lausanne ou du Canton de Vaud. Ces campagnes ont en partie été mise à disposition d’institutions culturelles (Musée de l’Hermitage, Musée de l’Art Brut - Château de Beaulieu, et jusqu’à récemment Musée de l’Elysée, bureau du Prix de Lausanne - Presbytère) ou d’institutions à but social (foyer pour enfant dans l’ancienne Maison Verdeil, maison de quartier du Désert). 24 campagnes ont été remplacées par des zones d’habitations mixtes comprenant des immeubles, des commerces et des bureaux. 22 des campagnes existantes sont toujours des maisons d’habitation. Il est toutefois à supposer que certaines sont désormais des lieux d’habitations partagés entre plusieurs propriétaires/locataires. 4 maisons de maître encore existantes sont des hôtels et ont cette fonction depuis leur construction (Beau-Rivage et hôtel d’Angleterre) ou depuis plus d’un siècle (Hôtel Alpha Palmiers by Fassbind anciennement hôtel Richemond et Royal Savoy).
Ce projet a été réalisé dans le cadre du cours de "Lausanne Time Machine: Histoire Urbaine Digitale". Il a été réalisé par trois étudiants de l'Université de Lausanne et de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne.
Ce projet a été réalisé en 4 étapes principales: